Mouvement

À la recherche de l’origine de la maladie de Charcot

Sandrine Bertrand

Du laboratoire expérimental aux responsabilités de direction, le quotidien de Sandrine Bertrand a profondément changé. Ce qui reste inchangé, c’est sa détermination à mettre en mouvement la recherche sur la maladie de Charcot.

Sandrine Bertrand. Crédits : Bordeaux Neurocampus

Un seul fil conducteur

Originaire de la région marseillaise, Sandrine Bertrand a réalisé l’ensemble de son parcours universitaire à la faculté de Saint-Jérôme, à Marseille. Après quelques années d’études en biologie cellulaire et physiologie, elle s’est ensuite orientée en neurosciences. Une année marquante où elle découvre « une appétence pour l’expérimentation animale », et son désir de poursuivre dans la recherche. Elle réalise ensuite sa thèse sur les réseaux de neurones impliqués dans la locomotion chez le rat. C’est grâce aux enseignements et aux spécialités des enseignants-chercheurs en neurosciences de Saint-Jérôme que Sandrine Bertrand s’est naturellement dirigée vers le même domaine.

À l’issue de ses trois années de doctorat, elle traverse l’Atlantique pour un premier contrat de post-doctorat à Montréal. Elle change de thématique pour étudier l’hippocampe et l’épilepsie. De retour en France, à Bordeaux, elle réalise un second contrat de post-doctorat consacré à la moelle épinière et aux mécanismes de la douleur.

Il faut un point de départ : trouver des solutions chez la souris, puis les tester chez l’Homme.

Explorer les zones d’ombre de la maladie de Charcot

Pendant plusieurs années, Sandrine a étudié les réseaux de neurones de la moelle épinière impliqués dans la locomotion. Elle s’est ensuite tournée vers la physiopathologie de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), plus connue sous le nom de maladie de Charcot. Cette affection, qui évolue très rapidement après le diagnostic, entraîne la dégénérescence progressive des neurones moteurs jusqu’à un état où les patients se trouvent enfermés dans leur propre corps.  Certains motoneurones restent toutefois résistants, comme ceux des paupières ou de la vessie. Environ 10 % des formes de SLA sont génétiques, contre 90 % de formes dites « sporadiques », qui apparaissent de manière imprévisible.  Les recherches de Sandrine Bertrand visent à comprendre le rôle du système nerveux autonome, responsable des grandes fonctions vitales, dans le développement de la maladie.

À l’origine d’une vocation

Une des rencontres qui a marqué le parcours de la scientifique, est celle de son professeur de SVT, M. Laballe, au lycée Jean Lurçat à Martigues. C’est avec cet enseignant qu’elle a développé son attrait pour la biologie et qui lui a fait réaliser que c’était ce qu’elle aimait faire. D’ailleurs, un de ses collègues à Montpellier, qui travaille également sur la maladie de Charcot, a eu le même professeur de SVT et, grâce à lui, a poursuivi ses études en biologie.

Des souris aux patients : le long chemin de la recherche

Depuis qu’elle dirige le laboratoire de l’INCIA*, Sandrine Bertrand a vu ses responsabilités administratives se multiplier, ce qui l’a conduite à concentrer ses travaux exclusivement sur la maladie de Charcot. Sa recherche se base sur une protéine mutée qui a été identifiée dans 10 % des formes génétiques de SLA : la superoxyde dismutase, dite SOD. Normalement chargée d’éliminer les radicaux libres, des molécules instables susceptibles d’endommager les cellules, cette protéine devient dysfonctionnelle lorsqu’elle est altérée. Introduite dans des souris modèles, cette mutation permet d’observer la progression de la maladie afin de développer des traitements capables de la ralentir. La chercheuse nous rappelle toutefois les limites de ce modèle, bien différent de l’humain, tout en soulignant l’importance de cette étape : « Il faut un point de départ : trouver des solutions chez la souris, puis les tester chez l’Homme. »
Image d’un cœur de souris acquise au microscope à feuillet de lumière mettant en évidence l’innervation autonome sympathique (en violet) et les vaisseaux sanguins (en jaune) chez la souris. Crédits : S. Bertrand, INCIA, BIC.

Le monde de la recherche : un paysage scientifique transformé

Le quotidien de Sandrine Bertrand, en tant que directrice de recherche, a profondément changé ces dernières années. « Avant, nous étions entièrement concentrés sur la recherche expérimentale, sans avoir à nous soucier du budget », nous confie-t-elle. Désormais, une grande partie de son temps est consacrée à la recherche de financements et à la réponse aux appels à projets, indispensables pour faire vivre son programme scientifique. Son travail sur la maladie de Charcot ne s’arrête jamais vraiment, chaque nouveau financement prolonge le précédent et permet au projet de se poursuivre dans un véritable « continuum ».
* Institut de neurosciences cognitives et intégratives d’Aquitaine (CNRS, université de Bordeaux)

Emma Le Garrec

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