Mouvement

Dans les coulisses du calcul haute performance

Nathalie Furmento

Le parcours de Nathalie Furmento n’a rien d’une ligne droite : il se construit au rythme des occasions et des choix. Aujourd’hui ingénieure de recherche au CNRS, elle œuvre dans un domaine qui permet aux ordinateurs les plus puissants de fonctionner.
Nathalie Furmento. Crédits : Inria / Photo B. Fourrier

De la biologie à l’informatique

Le parcours de Nathalie Furmento est une histoire d’expériences successives dont la trajectoire s’est ajustée, redessinée, maintes et maintes fois, au fil des années. Comme autant de lignes de code qui s’enchaînent les unes après les autres, en somme. Mais rien n’est écrit d’avance ici. Après un baccalauréat scientifique, elle se voit poursuivre des études en biologie, mais les formations auxquelles elle candidate ne lui laissent pas la chance d’être admise. Un premier changement de direction s’opère alors pour l’amener dans le domaine de l’informatique. Un choix qui, sur le moment, lui paraît pratique : « Je me suis dit que ça devrait être comme les maths », explique-t-elle. Elle aime particulièrement les mathématiques, alors elle avance, elle s’y aventure avec curiosité. Cette même curiosité qui lui colle à la peau, et qui transparaît dans les échanges qu’on peut avoir avec elle. Les choses s’enchaînent. Elle poursuit en IUT Informatique, puis réalise son stage de deuxième année de master en laboratoire de recherche. Si elle n’est pas consciente, à ce moment-là, que ces choix constituent déjà les fondements de son avenir, elle reconnaît que « c’est là, nécessairement, que tout s’est joué ». En 1999, elle soutient une thèse dans le domaine du calcul haute performance, ce qui marquera le début de ses activités dans cette branche de l’informatique.

Cela vaut-il vraiment le coup […] de participer à cette course effrénée aux machines toujours plus puissantes ?

L’Europe, un tremplin pour les post-doctorants ?

Son parcours se poursuit ensuite à l’international (en Europe plus exactement) : d’abord quelques mois en Allemagne, dans le privé, puis un post-doctorat à l’Imperial College London, de 2000 à 2005. Ce départ à l’étranger, initialement motivé par des raisons personnelles, lui a néanmoins permis de confirmer son projet professionnel qui était de continuer à travailler dans le milieu académique.
En 2005, Nathalie Furmento rejoint le CNRS comme ingénieure de recherche, au sein du Laboratoire bordelais de recherche en informatique (LaBRI), une unité de recherche rattachée à l’université de Bordeaux et au CNRS. Inria, l’institut de recherche en sciences et technologies du numérique, est partenaire de ce laboratoire et beaucoup de recherches y sont faites en collaboration.
Nathalie Furmento travaille sur les « supports d’exécution » : ces outils, situés entre les machines et les applications, qui permettent aux codes de « tourner » le plus efficacement possible. C’est là que se décident les adaptations nécessaires pour qu’une application fonctionne bien, peu importe la machine sur laquelle elle s’exécute, et ce, de manière toute aussi performante.
En parallèle du travail des chercheurs (qui définissent les axes de recherche), elle apporte l’expertise technique indispensable au bon déroulé des projets dans lesquels elle est engagée. Aujourd’hui, elle prend part au projet français NumPEx, consacré aux futurs ordinateurs dits « exascale », des machines exceptionnellement puissantes, pouvant gérer un nombre d’opérations par seconde colossal. Elle est également intégrée dans des projets équivalents, à l’échelle européenne.

Rencontres fondatrices

« Je me rends compte qu’il n’y a pas une rencontre précise à retenir, mais plutôt une succession de rencontres de différentes personnes. Chacune d’elles m’a montré que des choix parfois faits de manière impulsive m’ont finalement conduite exactement là où je me sens à ma place. »

Une pensée en mouvement : entre progrès technologique et méfiance

Si l’on doit évoquer un mouvement, on pense aisément aux technologies toujours plus rapides, toujours plus ambitieuses. Mais ce mouvement soulève aussi des questions, écologiques notamment. Nathalie Furmento confie être interpellée par le coût de production : « Cela vaut-il vraiment le coup d’exécuter le même code plusieurs fois sur le même ordinateur, et de participer à cette course effrénée aux machines toujours plus puissantes ? », s’interroge-t-elle. En-dehors du laboratoire, d’autres dynamiques rythment sa vie : engagée activement dans une (1) AMAP, dans des associations de parents d’élèves et dans une école de rugby, elle multiplie les implications. Elle explique ne pas rencontrer de difficulté à concilier vie professionnelle et vie personnelle : son métier lui offre une souplesse dans l’organisation de son quotidien, ce qui lui convient pleinement. Quant à l’avenir, elle observe avec attention (et non sans une certaine inquiétude) la montée en puissance de l’intelligence artificielle. Selon elle, « les gens s’en remettent de plus en plus à ces outils, et réfléchissent de moins en moins ». Ce constat, qu’elle formule avec prudence, ouvre la porte à des discussions qu’elle juge essentielles.
(1) Une Association pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) est une forme de partenariat entre un groupement de consommateurs et un paysan ou une ferme.

Thomas Sanchez

Ce portrait vous a plu… Il y en a d’autres qui n’attendent que votre clic. Bonne lecture !