Mouvement

De l'Océanographie aux Neurosciences

Marie-Pierre Moisan

Marie-Pierre Moisan est une passionnée des sciences. Après un parcours universitaire pluridisciplinaire, c’est à Bordeaux qu’elle a posé ses valises pour rejoindre l’INRAE. Spécialiste en neurosciences au sein du laboratoire Nutri-Neuro/Université de Bordeaux/INRAE, ses travaux de recherche s’articulent autour de l’impact de l’obésité sur le cerveau, plus précisément sur la mémoire chez les adolescents obèses.
Marie-Pierre Moisan. Crédits : Bordeaux neurocampus

Les neurosciences, une opportunité avant tout

Marie-Pierre Moisan ne considère pas sa spécialisation en neurosciences comme une vocation : « Je ne suis pas arrivée en neurosciences parce qu’elles me passionnaient. À vingt ans, j’étais intéressée par beaucoup de choses et c’est toujours le cas ». Sa première passion n’était pas le cerveau mais plutôt l’océan. Très jeune, elle était attirée par les documentaires scientifiques et l’océanographie en particulier. « Quand j’étais à la fac, je voulais être océanographe », se souvient-elle. Mais au fil des ans, le parcours de la chercheuse a connu des mouvements. En passant d’abord par des études de sciences générales à l’université, elle fait un master de biologie cellulaire et moléculaire. C’est finalement, en décrochant une bourse de thèse, qu’elle côtoie les neurosciences. En effet, elle intègre un laboratoire à Edimbourg, en Ecosse, la ville où elle voulait s’installer, dans lequel le sujet proposé est la régulation des hormones corticoïdes dans le cerveau. « J’ai commencé à m’intéresser aux neurosciences et cela m’a plu », confie-t-elle.

À vingt ans, j’étais intéressée par beaucoup de choses et c’est toujours le cas.

Entrer en neurosciences et y rester

Les trois années de thèse de Marie-Pierre Moisan se déroulent dans un environnement favorable et son intérêt pour les neurosciences se révèle grandissant. Elle passe ensuite un concours pour rejoindre une équipe de l’INRAE situé à Bordeaux. Réussissant le concours, elle intègre un laboratoire INSERM-INRA puis rejoint  l’équipe du laboratoire Nutri-Neuro où elle travaille aujourd’hui. Bien que les neurosciences n’étaient pas son plan de carrière,  une fois qu’elle y a mis les pieds, elle ne les a plus quittés. La curiosité de Marie-Pierre Moisan est restée intacte au fil des années, un atout dans un univers scientifique où tout est en perpétuelle évolution.

Les rythmes biologiques au cœur de sa recherche

Spécialiste en endocrinologie et plus particulièrement dans les hormones corticoïdes, Marie-Pierre Moisan s’intéresse aux liens entre l’alimentation, les rythmes biologiques dits, circadiens et la mémoire chez les adolescents obèses. Avec son équipe, elle cherche  à comprendre comment des régimes alimentaires déséquilibrés influencent le cerveau des adolescents, encore en maturation. Elle explique que quand on mange très gras, très sucré et qu’on a tendance à manger à toute heure, les rythmes circadiens (biologiques) sont alors perturbés et cela perturbe également les processus de mémoire. Ces rythmes se manifestent par des oscillations d’hormones, de métabolites (petites substances fabriquées lorsque notre corps transforme ce que nous mangeons en énergie) et de gènes. Cela concerne tous les organes du corps y compris le cerveau, et plus précisément, l’hippocampe, la zone qui joue un rôle clé dans la mémoire.

Une rencontre, une révélation

Marie-Pierre Moisan évoque une rencontre importante voire clé dans son orientation vers la recherche : les documentaires du commandant Cousteau qu’elle regardait quand elle était adolescente. Grâce à lui, elle découvre l’univers de la science, et l’idée de devenir chercheuse commence à germer.

La chrono-nutrition : remettre l’horloge biologique dans le bon mouvement

Le deuxième objectif de la chercheuse est de déterminer si la chrono-nutrition peut restaurer les rythmes perturbés ainsi améliorer la mémoire. Elle définit la chrono-nutrition comme le fait de manger à des horaires fixes et réguliers. « Il ne faut pas oublier que le moment où on mange compte autant que la qualité et la quantité que l’on consomme», insiste-t-elle. « La chrono-nutrition s’est avérée efficace pour tout ce qui est santé métabolique, nous avons donc voulu savoir si c’était également le cas pour la santé mentale et particulièrement pour la mémoire », ajoute-t-elle. C’est dans ce cadre qu’ elle participe, avec son équipe, à une étude clinique sur un groupe d’adolescents qui séjournent dans une clinique pendant trois mois pour traiter l’obésité. L’objectif de cette étude est d’évaluer les effets des repas pris à des horaires fixes sur la mémoire de ces derniers.

Comprendre davantage : elle passe du laboratoire aux foyers familiaux

Marie-Pierre Moisan travaille également avec des sociologues de l’alimentation afin de mieux comprendre le contexte familial de ces adolescents. L’enquête a révélé que certains adolescents dont les mamans avaient subi une chirurgie bariatrique (réduction de l’estomac), vivaient sans structure de repas. Cela s’explique par l’alimentation très réduite de la maman. « Comme quoi le comportement nutritionnel d’un parent et particulièrement la maman impacte indirectement celui des enfants » explique la chercheuse, intriguée par cette découverte.
Zouhour Tebbi

Ce portrait vous a plu… Il y en a d’autres qui n’attendent que votre clic. Bonne lecture !