Pourquoi la plupart des enfants ont-ils échappé aux formes graves du Covid-19 ?
Si le virus SRAS-CoV-2 a touché massivement les adultes, les enfants ont aussi été atteints. Cependant, pourquoi ces derniers ont été si nombreux à avoir échappé aux formes graves ? Les scientifiques ont désormais trouvé l’explication !
Écrit par : Zouhour Tebbi
Le plus intriguant dans notre étude, était l’observation des syncytia
Il y a cinq ans, le monde entier a connu la pandémie de Covid-19. Des hospitalisations, des complications, voire des millions de décès ont été enregistrés chez les adultes. Le responsable : SRAS-CoV-2, qui a fait l’objet de nombreux projets de recherche scientifique dans le monde et en France en particulier. En effet, dès 2020, trois chercheurs bordelais ont commencé à lever le voile sur ce virus inconnu. « C’était très observationnel au départ, on ne connaissait pas grand-chose. À partir des échantillons d’adultes et des enfants, on a essayé de comprendre comment le virus se propageait », explique Thomas Trian, l’un des chercheurs impliqués dans ce projet.
Lors de ces travaux, une deuxième énigme est venue intriguer les chercheurs : les enfants, bien que certains d’entre eux aient également été contaminés par le virus, ont été épargnés par les formes graves.

La gravité du SRAS-CoV-2 liée à son mouvement
Les virus respiratoires comme le SRAS-CoV-2 pénètrent par les voies aériennes supérieures, le nez et la gorge. À ce stade, l’infection reste bénigne. Le risque de formes graves augmente lorsqu’elle atteint les voies respiratoires inférieures (bronches et poumons). Les virus infectent alors l’épithélium bronchique, c’est-à-dire les cellules qui tapissent la surface interne des bronches. C’est dans ce mouvement vers le bas que réside la gravité de l’infection. Dans le cas du SRAS-CoV-2, les chercheurs ont observé à ce niveau la formation de syncytia, des amas de cellules fusionnées entre elles. « Ce sont des cellules qui se collent les unes aux autres pour former une sorte de magma cellulaire », explique Thomas Trian. « L’hypothèse que nous avons formulée est que ce sont ces syncytia qui rendent le virus infectieux. Elles se forment à la surface de l’épithélium et lorsqu’elles sont relâchées par la toux, elles emportent avec elles le virus actif », ajoute le chercheur. Cette observation de ce groupe cellulaire était inédite. « Le plus intriguant dans notre étude était l’observation des syncytia », reconnaît-il.

Chez les enfants, une défense naturelle et rapide
Dans les bronches des enfants, le scénario est différent. En effet, au sein des échantillons bronchiques reconstitués, il y a les permissifs (qui laissent le virus entrer) et les non permissifs. Mais contrairement aux épithéliums permissifs des adultes, chez ceux des enfants, le virus se propage lentement. Il s’avère que dès les premiers stades de l’infection, les cellules de l’épithélium des enfants produisent une molécule naturelle : l’interféron de type III. En empêchant le SRAS-CoV-2 de toucher les cellules voisines, il limite la propagation de l’infection. Mieux encore, les scientifiques ont montré que si on applique l’interféron chez les adultes, ces derniers deviendraient résistants à l’infection. Et inversement, si on supprime le gène responsable de l’interféron chez les enfants, ceux-ci deviendraient plus vulnérables. Ces essais montrent le bénéfice de l’interféron produit précocement. Cependant, il ne rend pas résistant ; l’effet dépend du moment où il est produit et du contexte clinique.
Une susceptibilité au virus liée à l’âge
L’interféron de type III est également présent chez les adultes, mais il est produit plus rapidement chez les enfants. « Même à l’état basal, c’est-à-dire sans infection, quand on compare, il y a toujours une suractivation de la réponse interféron chez les enfants par rapport aux adultes », précise le chercheur. Il y a une susceptibilité au SRAS-CoV-2 liée à l’âge. En effet, les enfants ne développent presque pas de formes graves. Cela a été expliqué par la production rapide de l’interféron. « Il y a une sorte d’état d’alerte chez les enfants », ajoute le scientifique.
Comparer pour mieux comprendre
Les chercheurs savent désormais que grâce à la production de l’interféron, les enfants, même infectés par le SRAS-CoV-2 sont beaucoup moins susceptibles de développer des complications mais la question qui se pose est : pourquoi il existe une telle différence de production de l’interféron chez les adultes et chez les enfants ? Pour l’expliquer, l’équipe a pour ambition de comparer des infections dues à trois virus différents dont le SRAS-CoV-2, en gardant ce modèle d’épithélium chez les adultes et chez les enfants.