Mouvement

Bordeaux et le rugby : indissociables depuis toujours

Entre échanges culturels anglo-bordelais, concurrences et jeunesse favorisée, voici comment le rugby a conquis le coeur des Bordelais.

Écrit par : Lucie Gibouleau

Le rugby est le sport favori des jeunes qui ont la possibilité de faire des études secondaires et supérieures

Fin du XIXe siècle, des Britanniques sont présents en France. Avec eux est introduite la pratique du rugby, alors appelé « football-rugby ». Comme beaucoup de villes françaises, l’activité économique de Bordeaux tourne à plein régime. La jeunesse bordelaise, travaillant dans ce commerce international, a une très bonne connaissance des îles britanniques et voit donc arriver avec intérêt cette nouvelle pratique sportive.

À l’instar du Havre Athletic Club créé en 1872, en 1876 est fondé le Bordeaux Athletic Club, composé majoritairement de personnes provenant de colonies britanniques. C’est à travers ces échanges culturels et économiques anglo-bordelais que le rugby arrive dans la région.

Photographie d’un match de rugby.
Crédits : arcallle (Unsplash)

Les racines d’un club mythique

Ce n’est qu’en 1889 qu’est créé le Stade Bordelais. Ce dernier apparaît dans un contexte de concurrence entre divers promoteurs de l’activité physique, sportive et de santé de la jeunesse masculine, dans tous les sports. La politique de moralisation de la Troisième République donne naissance à un modèle d’encadrement de la jeunesse par le sport que nous retrouvons dans diverses pratiques, telles que le tir, la gymnastique ou le rugby.

La ligue girondine de l’éducation physique, créée par le docteur Philippe Tissié, profite de ce développement à Bordeaux. Il ne parle d’ailleurs pas de « sport », qu’il considère comme trop violent et élitiste, mais de jeux récréatifs. Il privilégie la barrette, un rugby simplifié où il n’y a pas de plaquage.

À partir du début du XXe siècle, viennent s’ajouter à cette concurrence les patronages catholiques qui s’intéressent à ces modèles d’exercice lorsqu’ils constatent l’engouement autour de cette pratique. Leur objectif est de concurrencer les sociétés laïques et républicaines par la gymnastique et le ballon rond.

La vague scolaire autour du ballon ovale

Le premier boom que connaît le rugby dans la région est en 1899 avec le premier titre de champion de France du Stade Bordelais, et sa domination lors des premières années du championnat avec sept titres entre 1899 et 1911.

Mais l’influence du Stade Bordelais ne se limite pas qu’aux terrains, il inspire aussi la jeunesse bordelaise et les écoles locales.

Effectivement, les Anglais ne sont plus les seuls à pratiquer le rugby, des jeunes Français engagés dans un certain niveau d’étude s’y mettent aussi. Jusqu’au début du XXe siècle, le rugby leur est réservé. Une fois par an, les équipes scolaires se réunissent afin de s’affronter au rugby, comme les Muguets du lycée Montaigne ou les Épis du lycée à Bergerac, dont les meilleurs rejoignent les clubs émergeant de la région.

Ce sont ces associations sportives scolaires qui nourrissent le rugby et ses clubs. En effet, après le titre du Stade bordelais, qui attire désormais beaucoup de public et suscite un engouement régional, les scolaires veulent pratiquer eux aussi le « vrai rugby » et non plus de la barrette.

« Avant la Grande Guerre, parmi les jeunes, ceux qui ont la possibilité de faire des études jusqu’au baccalauréat, et même au-delà, le rugby est incontestablement le sport favori », affirme Jean-Paul Callede, sociologue des pratiques sportives et des politiques publiques du sport. D’ailleurs les soldats mobilisés ont découvert le rugby, dans les rares moments de détente dont ils disposaient.

Une implantation réussie

Plus d’un siècle après son arrivée par la voie maritime, le rugby reste un sport qui plaît et qui marque la région. C’est un sport d’équipe, de contact, à espace dit inter-pénétré (contrairement au tennis où les joueurs n’occupent qu’une partie du terrain), qui permet au public bordelais de s’identifier à ces équipes.

Photographie de supporters bordelais regardant un match de l’UBB sur la place des Quinconces.
Crédits : Union Bordeaux Bègles

L’émergence du rugby à XIII et la tentation du professionnalisme, à l’instar du football, impactent son développement lors de l’entre-deux-guerres. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que le rugby s’ancre comme nous le connaissons aujourd’hui grâce à la réussite de nombreux clubs, comme celle du CAB (Club Athlétique Béglais) qui acquiert deux boucliers de Brennus en 1969 et 1991.

C’est la professionnalisation tardive du rugby, en 1995, qui permet à ce sport de réellement s’imposer dans la région. La fusion en 2006 du CABBG (Club athlétique Bordeaux Bègles Gironde) et du Stade Bordelais pour former l’Union Stade Bordelais CA Bordelais Bègles, renommé UBB (Union Bordeaux-Bègles) en 2007, entraîne une nouvelle dynamique ramenant de nombreux publics autour de cette pratique. L’UBB incarne aujourd’hui cette identité bordelaise autour du rugby, et n’est pas près de la quitter.