Mouvement

Vers des capteurs autonomes portés par les vibrations

Et si l’on pouvait alimenter de petits capteurs grâce aux vibrations d’un vélo, d’une chaussure ou d’une machine, sans piles à changer et sans matériaux toxiques ? C’est le défi du projet PLAYER-ONE, coordonné à l’université de Bordeaux, impliquant l’ICMCB Bordeaux et le laboratoire SYMME à Annecy, qui cherche à remplacer les céramiques au plomb par des matériaux piézoélectriques plus propres et plus sobres à fabriquer. 

Écrit par : Matéo Ramuscello Fontes

Le défi n’est pas de produire de l’électricité, mais de le faire proprement, durablement, et à partir d’un phénomène physique aussi simple qu’une déformation mécanique.

Certains matériaux, en se déformant, produisent de l’électricité : c’est ce que l’on appelle la piézoélectricité. Comme les deux faces d’une même pièce, ces matériaux se déforment si on envoie de l’électricité à l’intérieur. Mais c’est le premier phénomène qui nous intéresse aujourd’hui.

Actuellement, la très grande majorité des matériaux piézoélectriques utilisés sont à base de PZT ou titanate de zirconates de plomb qui, comme son nom l’indique, est composé de plomb. Celui-ci pose un danger pour la santé humaine et l’environnement. Hélène Debeda, enseignante-chercheuse à l’université de Bordeaux au Laboratoire de l’Intégration du Matériau au Système (IMS) et coordinatrice du projet PLAYER-ONE, explique que trouver une alternative au PZT n’est pas le seul objectif vertueux de ses recherches, elles visent aussi à diminuer drastiquement l’impact écologique lors de la production de ces matériaux.

Une baisse du prix et de l’impact environnemental

De multiples leviers permettent d’améliorer cet impact, et des avancées ont déjà été faites. « C’est important d’essayer d’avoir un procédé fiable, facile et peu coûteux », partage Hélène Debeda. Lors de la création de ces matériaux, l’équipe passe d’une fabrication soustractive pour la plupart des PZT à une fabrication additive.

La fabrication soustractive est la création d’un objet en enlevant de la matière à une pièce, comme un sculpteur créant sa statue à partir d’un bloc de marbre en enlevant des morceaux du bloc initial. Cela crée des déchets de matériaux non utilisés et toxiques dans le cas du PZT. La fabrication additive, quant à elle, fonctionne en ajoutant couche par couche de la matière jusqu’à obtenir l’objet voulu, comme dans le cas de l’impression 3D.

Ici, l’épaisseur des objets créés est si fine que la sérigraphie s’impose. Le principe est le même que pour la création de motifs sur un t-shirt, on crée un pochoir de la forme de l’objet voulu et on transporte le matériau sous forme liquide à travers les mailles très fines d’un écran pour qu’il soit déposé sur le support.

La sérigraphie, ici sur un t-shirt, repose sur le même
procédé que celui utilisé dans le projet PLAYER-ONE.
Crédits : Anthony Roberts,Unsplash

Il faut ensuite presser et cuire le matériau, et c’est là un autre levier d’innovation. Les céramiques piézoélectriques sont habituellement pressées puis portées à 900 °C pendant deux heures. Aujourd’hui, la pression et la cuisson sont fusionnées, et on arrive à ramener ce traitement à 700 °C et dix minutes ! L’équipe pense même pouvoir descendre sous la barre des 400 °C. Tout cela permet de réduire les coûts, l’impact énergétique et la création de déchets lors de la fabrication des matériaux piézoélectriques.

L’équipe du projet PLAYER-ONE est passée du plomb à l’or, un excellent conducteur électrique. Mais pour rendre la technique accessible, la prochaine étape est l’utilisation de l’argent, bien moins cher mais lui aussi très conducteur et biocompatible. La biocompatibilité désigne des matériaux qui n’interfèrent pas avec et ne dégradent pas les tissus vivants.

De multiples applications possibles

Quelles applications cela permet-il ? Pour répondre à cette question, il faut déjà avoir une idée de la puissance électrique créée par ces matériaux. Nous sommes à l’échelle du milliwatt et microwatt. Ce sont des puissances permettant d’alimenter une diode rouge standard dans le meilleur des cas, ou une montre en quartz classique dans le plus modeste.

Les applications sont donc limitées par ce facteur, mais leur intérêt réside dans la production d’électricité constante tant qu’il y a du mouvement, ce qui permet d’éviter l’utilisation de piles ou batteries à changer et recharger. Cela est particulièrement utile lorsqu’il faut gagner de la place ou alimenter des dispositifs placés dans des lieux presque inaccessibles.

L’application principale est la création de capteurs, permettant le suivi de la qualité de l’air, de nos constantes vitales telles que les battements du cœur, etc. Une autre application possible est la création de lumière sur les vêtements, tels que des chaussures. Plus qu’un simple gadget esthétique, cela pourrait avoir une vraie utilité pour la sécurité des piétons la nuit en les rendant plus visibles pour les véhicules environnants.

Pour rendre ces recherches accessibles au grand public, l’équipe du projet PLAYER-ONE travaille en coopération avec le service SAPS (Science Avec et Pour la Société) de l’université de Bordeaux pour créer une bande dessinée accessible en ligne.