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Origine des ptérosaures : le mystère s’épaissit

Le monde de la paléontologie détient un nombre incalculable de zones d’ombre, et l’origine mystérieuse des ptérosaures en fait partie. Ces grands reptiles, qui peuplaient les cieux à l’époque des dinosaures, ne semblent pas vouloir livrer le secret de leur étonnante évolution.
Explications avec Eric Buffetaut, chercheur émérite en paléontologie.

Écrit par : Arthur Joubeaux

Ici, aucune piste : les ptérosaures pourraient avoir emprunté un chemin évolutif totalement différent pour développer le vol

Les ptérosaures sont, à bien des égards, de drôles de bêtes. Premiers vertébrés à avoir développé le vol battu, ils ont rapidement colonisé les cieux de la planète entière dès le Trias, presque en même temps que les tout premiers dinosaures. Depuis leur découverte, les paléontologues n’ont cessé de s’arracher les cheveux sur leur posture, leur mode de vie, leur régime alimentaire. Mais une question semble sans réponse depuis les premiers fossiles découverts : celle de leur origine.

Une question de flou

En effet, parmi les plus anciens ptérosaures connus, Eudimorphodon présente déjà toutes les caractéristiques de sa famille : une tête presque aussi grande que la cage thoracique, une posture quadrupède, des os creux et, bien sûr, deux grandes ailes formées par une membrane de peau et de muscle, tendue le long du bras jusqu’au quatrième doigt, allongé à l’extrême. Mais avant lui, c’est le vide : aucune espèce ne fait la « transition » entre le premier ptérosaure et la famille à partir de laquelle il a évolué – si tant est que nous savons de laquelle il s’agit. « Ce que l’on fait, ce sont des hypothèses avec les fossiles dont on dispose », explique Eric Buffetaut. « Et cela explique pourquoi dans certains cas, notamment celui des ptérosaures, il n’y a pas une hypothèse qui l’emporte sur toutes les autres : cela reste de la supposition, tant qu’il n’y a pas de nouveaux éléments concrets pour permettre de trancher ».

Un vide sur la route de l’évolution

Actuellement, trois lignées sont proposées pour contenir le fameux ancêtre des ptérosaures. Celles-ci présentent certaines similitudes au niveau de la structure du crâne ou des vertèbres, permettant d’établir qu’elles y sont au moins apparentées : mais pour l’instant, aucun fossile ne présente un semblant d’adaptation au vol, permettant de faire l’intermédiaire avec les ptérosaures. 

« L’archéoptéryx, qui est en quelque sorte le dinosaure non-avien le plus proche des oiseaux, est un cas d’école : il représente parfaitement l’espèce qui fait l’intermédiaire entre les dromaeosaurus terrestres, cette famille de petits carnivores dont fait partie le vélociraptor, et les oiseaux aviaires. Et il permet même de voir que les oiseaux ont développé le vol battu en planant d’abord d’arbre en arbre. Mais ici, aucune piste : les ptérosaures pourraient d’ailleurs même avoir emprunté un chemin évolutif totalement différent pour développer le vol », explique Eric Buffetaut. Cette part de mystère, à priori, ne pourrait réellement être levée que lorsqu’une espèce intermédiaire aura été découverte, et il n’est pas exclu que le secret des ptérosaures soit totalement différent de ce que l’on peut envisager.

La dure loi de la biomécanique

Les théories, même fondées, ne peuvent en effet jamais fournir autant de certitudes qu’une trouvaille réelle, même infime : dans les années 1980, le paléontologue américain Kevin Padian a prouvé par les lois mathématiques et biomécaniques, et non sans certitudes, qu’aucun animal de plus de 22 kilos n’était capable de voler. Quelques années plus tard, le Quetzalcoatlus et le Hatzegopteryx roumain, décrit par Eric Buffetaut lui-même, sont découverts. Ils font plus de 10 mètres d’envergure, sont bien capables de voler et leur poids est estimé à … au moins 250 kg. Un poids plume pour un animal de cette taille, mais bien au-dessus du théorème qui affirmait pourtant avec certitude que la limite absolue pour la voltige était de 22 kg. La paléontologie n’a donc pas fini de nous surprendre et, si les ptérosaures ont disparu depuis 66 millions d’années, leur mystère, lui, plane toujours.

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