Mouvement

La biologiste qui a fait son chemin chez les chimistes

Anaïs Cario

Anaïs Cario est chercheuse au CNRS. Son domaine ? La microbiologie, l’étude des organismes vivants invisibles à l’œil nu. Ce qui est étonnant, c’est qu’elle travaille dans un laboratoire de chimie, l’ICMCB (Institut de chimie de la matière condensée de Bordeaux) sous la triple tutelle de l’université de Bordeaux, de Bordeaux INP et du CNRS, alors qu’elle est biologiste. Elle le dit elle-même : « Mon profil est assez atypique dans le laboratoire. Je suis un peu l’extraterrestre ». Mais c’est grâce à ce mélange entre disciplines qu’elle fait des découvertes importantes, en étudiant comment la vie survit là où c’est normalement impossible.
Anaïs Cario. Crédits : Anaïs Cario

Devenir chercheuse : un parcours en mouvement et le grand défi de la chimie

Son parcours l’a amenée à se déplacer un peu partout dans le monde. Elle a d’abord effectué une licence de biologie à Lorient, puis s’est rendue à Rennes pour un master en microbiologie fondamentale. Son doctorat (thèse), elle l’a fait à Lyon, à l’École nationale supérieure (ENS). Après sa thèse, elle a poursuivi un post-doctorat aux États-Unis, pour étudier les organismes près des volcans sous-marins. À son retour en France, Anaïs rejoint l’ICMCB , un laboratoire spécialisé en chimie des matériaux. Le choc culturel est réel : « Au début, certains collègues pensaient qu’une biologiste n’avait pas grand-chose à faire ici. On ne parlait pas toujours le même langage. » Mais elle persévère : « J’étais convaincue que nous pouvions apprendre les uns des autres. »

Mon profil est assez atypique dans le laboratoire. Je suis un peu l’extraterrestre.

Ses travaux : utiliser les « chimistes naturels »

Anaïs étudie les micro-organismes extrêmophiles, capables de vivre sous des pressions colossales, dans des milieux toxiques ou à des températures extrêmes. Elle les surnomme « les meilleurs chimistes du monde vivant ».  Ils savent, par exemple : fabriquer des nanoparticules d’or ou de cuivre ; former de la pyrite ou des carbonates ; transformer des composés métalliques issus de batteries ; dégrader des polluants très persistants comme certains microplastiques. L’objectif : comprendre ces mécanismes naturels pour imaginer des procédés plus propres et économes en énergie, inspirés du vivant. Elle a aussi connu une grande victoire pendant sa thèse. Elle avait proposé un modèle pour expliquer pourquoi la membrane des cellules de ces organismes était si souple (plastique), ce qui leur permettait de survivre à la haute pression. À l’époque, son idée avait été rejetée. Des années plus tard, lors d’une visite du laboratoire de son directeur de thèse, ce dernier lui a annoncé qu’ils avaient la preuve expérimentale que son modèle était bon : « Regarde ça, c’est la preuve, tu avais raison. »

Une rencontre marquante

Petite, Anaïs Cario ne voulait pas faire de la recherche, mais plutôt être pompier ! C’est à la fac de Lorient, où elle étudiait la biologie, que les choses ont changé. Elle a eu le déclic en lisant une thèse qui expliquait comment des bactéries dans les yaourts (bactéries lactiques) résistaient à l’acidité. Elle s’est dit : « Je vais faire ça, mais sur les organismes qui vivent au fond des océans et qui résistent à la haute pression et à la haute température. »
Cheminée hydrothermale en eaux profondes : un environnement extrême où les micro-organismes extrêmophiles exécutent des réactions chimiques naturelles cruciales pour des applications biotechnologiques plus propres. Crédits : Marum / CC BY 4.0.

Regard vers l’avenir

Ce qui motive Anaïs au quotidien, c’est l’interaction avec les autres chercheurs. C’est souvent autour d’un café que les meilleures idées et hypothèses naissent, même si elles semblent folles au départ. Travailler avec plusieurs disciplines différentes est « super enrichissant », nous confie-t-elle. Son objectif pour les années à venir est de continuer à montrer que la biologie a toute sa place dans les laboratoires de physique ou de chimie. Elle est convaincue que c’est en allant chercher des compétences ailleurs, en favorisant le mouvement des connaissances, que la recherche progresse le plus. Son conseil pour les jeunes qui veulent se lancer ? « Il ne faut pas se forcer. » Mais surtout : « Persévérer, c’est la clé. »

Lili Le Roux

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