Mouvement

Euskara : une de ses langues natales pour ses recherches

Céline Mounole

Vous est-il déjà venu à l’esprit que nos journaux intimes puissent servir à de futur·e·s chercheur·euse·s pour étudier notre époque et notre langue ? Inattendu comme réflexions, pourtant Céline Mounole y consacre ses recherches. Linguiste basque, elle prouve que tout écrit est une trace qui peut voyager dans le temps, et ainsi, ouvrir pour le futur un aperçu du passé.

Céline Mounole. Crédits : Céline Mounole

Le tour du Pays Basque

Dès les premiers mots échangés, il est facile de deviner où Céline Mounole a grandi. Racler les « r », parler lentement et calmement, mais avec assurance sur la fin des mots, sans pour autant les laisser traîner, est caractéristique de l’accent de la côte basque. Bilingue basco française de naissance, c’est tout naturellement, pour les amoureux de l’euskara, langue basque, que Céline s’oriente dans une licence de basque, à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (l’UPPA), à Bayonne. Pour obtenir son master et son doctorat, elle décide de changer de pays, tout en restant au Pays Basque : direction l’Espagne avec l’Euskal Herriko Unibertsitatea (Université du Pays Basque), située à Victoria-Gasteiz. Désormais, elle étudie la morphosyntaxe du basque au cours de l’histoire. En d’autres termes, Céline cherche à comprendre les changements de la forme grammaticale des verbes, à partir du XVIe siècle, d’une langue totalement différente de nos langues indo-européennes, tel que l’espagnol, l’allemand, le grec…
C’est au sein de cette même université qu’elle y donne ses premiers cours. Il est alors possible de nous l’imaginer en train de parler basque, espagnol et français couramment. Céline continue avec les universités basques-espagnoles avec la Faculté de l’éducation de Bilbao, où elle devient Maîtresse de conférences. Elle finit par revenir en France à l’UPPA, là où elle a commencé ses études, en intégrant le centre de recherche IKER (UPPA – Université Bordeaux Montaigne – CNRS). Elle constate, avec un rictus aux lèvres, que « Durant toutes ces années […], malgré mes mouvements, j’ai continué à travailler sur l’histoire de la langue ».

Les textes qu’[ils ont] réuni, [leurs] ont montré quelque chose qu’[ils]  méconnaissaient.

De « CORBAN » à « BASQEGO » : de l’échelle régionale à nationale

En parallèle de ces cours, elle publie de nombreux ouvrages de recherches, dirige des  thèses et devient, en 2022, présidente du Certificat d’Aptitude au Professorat de l’Enseignement du Second degré de basque. Mais ce dont Céline est le plus fière, le sourire  aux lèvres et les yeux qui pétillent, c’est son projet actuel « BASQEGO », qu’elle nous  explique comme étant la suite du projet « CORBAN ». Elle co-dirigeait le projet « CORBAN  » avec Philippe Chareyre, professeur émérite des histoires modernes de l’UPPA. Financé  par le conseil régional Nouvelle-Aquitaine, la thématique portait sur les correspondances  basques entre la France et ses colonies américaines : « Les correspondances entre les  ports basques et la Nouvelle-France d’après les saisies anglaises sous le règne de Louis XV ».

Lithographie : Vue de la ville et du port de Bayonne : prise de l'allée Bouflers près la Porte de Mousserole, Vernet Joseph, 1764

En effet, Céline et son équipe ont dû se tourner vers les archives de la Couronne anglaise  pour obtenir les documents d’études. Restée sous silence depuis le XVIIIe siècle, elle  explique avec enthousiasme que « les textes qu’[ils ont] réuni, [leurs] ont montré quelque  chose qu’[ils] méconnaissaient ». La langue basque était très écrite, bien plus que ce qui  était attendu. Céline présenta ses questionnements d’un ton souriant : « Alors, la langue  s’écrivait autant ? Mais, où est-ce que les gens apprenaient à écrire en basque ? » En effet,  elle y a trouvé des correspondances de commerçants et de familles venant de diverses  échelles sociales. Aussi, elle observe une tendance : les hommes auraient appris le français  avant les femmes, pour le commerce. 

Afin de valider ces observations, Céline précise qu’il faut étendre les études, sur tout le  territoire basque et ses colonies, ainsi qu’agrandir l’échelle de temps. C’est ainsi que le  projet « BASQEGO » naquit. Financé par l’Agence nationale de la recherche, avec son  équipe, elle étudie les égo-documents : des carnets intimes, des journaux de bord, des lettres privées, allant du XVIIe au XVIIIe siècle de tous les ports basques. Cette nouvelle  étude a pour objectif de comprendre comment s’est produit le basculement du basque au  français ou à l’espagnol dans le langage courant. Pour en savoir plus, elle nous propose de  suivre leur page instagram : @BasqEgo.

Rencontres

Céline Mounole est entrée en licence de basque afin d’enseigner cette langue dans les  écoles bilingues ou les Ikastolas (les écoles purement basques). Cependant, elle y fait la  rencontre de Beñat (Bernard) Oyharçabal et Xarles (Charles) Videgain, tous deux grands  linguistes basques et premiers enseignants à Bayonne. Cette rencontre lui fait changer de  voie : ils lui font bousculer ses objectifs. Puis, à l’Université du Pays Basque, elle y rencontre  Joseba Lakarra, qui l’inspira pour ses recherches : l’histoire de la morphosyntaxe basque.

Juline Damestoy

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