Mouvement

De Bordeaux à Bayonne avec un détour en Espagne

Marie Fauré

On imagine souvent le chercheur comme un étudiant ayant enchaîné les diplômes les uns après les autres. Marie Fauré prouve le contraire. C’est au gré de ses envies et de ses voyages que cette doctorante en histoire médiévale à Ausonius (CNRS, Université Bordeaux Montaigne, ministère de la Culture) a construit sa légitimité. Retour sur un itinéraire riche et inattendu.

Un parcours mouvementé

« Alors moi, j’ai un parcours un peu atypique », prévient d’emblée Marie Fauré au moment de raconter son cheminement académique et personnel, l’ayant menée jusqu’à ses recherches actuelles.

Baccalauréat en poche, Marie se dirige sans hésitation vers une faculté d’histoire, ayant eu la chance de grandir dans une famille très intéressée par l’histoire et la culture. Ce choix est des plus logiques. Mais au fil de cette licence, et étant peu attirée par l’enseignement, elle ne voyait pas de débouchés au fait d’étudier l’histoire et décida de poursuivre son choix d’origine : le journalisme. Après plusieurs stages dans différents services, en presse écrite et à la Maison de la radio, « je me suis rendu compte que ça ne me plaisait pas du tout », dit-elle en rigolant, « c’est un milieu qui ne m’a pas du tout attirée au final une fois dedans »

Marie se laisse alors vivre : « J’ai fait mon DEA, vers les années 2000, puis un peu d’histoire de l’art pour compléter ça, puis j’ai passé les concours de l’Éducation nationale mais je ne les ai jamais eus », échec qui la soulage.

Diplôme d’études approfondies (DEA) – équivalent aujourd’hui d’un master de recherche – et licence en histoire de l’art ajoutés à son CV ; elle obtient un master en 2013, incluant cette fois-ci de l’archéologie. En effet : « J’ai fait aussi de l’archéologie, j’ai fait des chantiers bénévoles, des chantiers sous contrats, ça me plaisait bien l’archéologie », précise-t-elle naturellement.

La première fois que j’ai vu une vraie charte* du Moyen Âge, je n’osais même pas la toucher.

En quête de nouveauté

À la suite de ce master, Marie essaye d’obtenir une bourse de recherche pour pouvoir continuer sur une thèse. Cela n’aboutit pas et elle voulait voir autre chose, apprendre une autre culture : « Je suis née à Bordeaux, j’ai fait ma scolarité à Bordeaux, j’ai été à la fac à Bordeaux. À un moment je me suis dit : Non c’est bon ça suffit, faut que je fasse autre chose, que je voie autre chose. » Pendant cette période de six ans, elle part en Catalogne en Espagne, Marie publie des petits fascicules, à l’instar des « Que sais-je ?» (pour en savoir plus, rendez-vous ici : Que sais-je ?), mais en encore plus réduit. C’est en 2020 que Marie rentre en France, avec la volonté de se relancer dans les études en faisant un doctorat. Après réflexion, elle contacte Frédéric Boutoulle, professeur d’histoire médiévale. Il qui sera par la suite son directeur de recherche, pour lui soumettre son idée de sujet de recherche et après discussion, « on a dit que oui, pourquoi pas, et on s’est lancé comme ça, voilà », m’a-t-elle expliqué.

L'évidence

Marie évoque une rencontre humaine. C’est Frédéric Boutoulle, professeur à l’institut Ausonius, qui a eu un rôle déterminant dans sa carrière. Il l’avait déjà encadrée lors de son master de recherche et la connexion intellectuelle fut immédiate : « J’ai bien accroché, c’était un peu la même manière de voir les choses », confie-t-elle.

Bayonne, Adour et Moyen-Âge

Au départ, Marie souhaitait faire ses recherches sur la spatialisation des pouvoirs dans la ville de Bordeaux, Frédéric lui a alors conseillé de partir plutôt sur la ville de Bayonne. Marie Fauré consacre finalement sa thèse à l’étude du développement de la ville de Bayonne à partir du début du XIIᵉ siècle, en s’intéressant à la manière dont la ville a construit un contrôle autour du fleuve du Sud-Ouest : l’Adour. Son travail ne porte pas uniquement sur l’embouchure et le littoral proche, elle se concentre sur le tronçon allant de Bayonne jusqu’à l’embouchure, où s’exerce une véritable emprise politique et économique. Le problème de l’Adour, c’est qu’il s’agit d’un fleuve vagabond : il se déplace. Depuis la fin du XIXᵉ siècle, de nombreuses hypothèses ont été émises pour expliquer quand et pourquoi l’Adour se serait déplacé, sans qu’aucune réponse définitive n’ait été trouvée. Son objectif est de comprendre ce qui a pu provoquer ce déplacement, d’en mesurer les conséquences, d’analyser la manière dont les sociétés de la fin du Moyen Âge ont réagi à ce phénomène, les solutions qu’elles ont expérimentées et les adaptations dont elles ont fait preuve.

Une réelle passion pour la Recherche

Ce qui passionne vraiment Marie, c’est l’impression de mener une enquête. D’abord submergée par le flot d’informations, elle adore l’émulation du moment où tout s’assemble et où naissent les hypothèses. Elle chérit aussi le contact direct avec les archives anciennes et le côté patrimonial qu’il y a derrière : « La première fois que j’ai vu une vraie charte* du Moyen Âge, je n’osais même pas la toucher. »

*[NDLR] : Au Moyen Âge. Acte authentique consignant des droits, des privilèges, généralement accordés par un suzerain.

Et maintenant ?

Actuellement dans la dernière ligne droite de sa thèse, dont la soutenance est prévue courant 2027, Marie aimerait continuer dans la recherche : « Ce que j’aimerais faire c’est de la recherche, donc pourquoi pas essayer d’avoir un poste de maîtresse de conférences. » Pour conclure ce portrait, Marie a un dernier conseil pour ceux qui ambitionnent la recherche comme projet d’avenir : « Si vous aimez ça et que c’est vraiment ce que vous voulez faire, allez-y ; sinon vous risquez de regretter de ne pas avoir accompli ce que vous vouliez. »

Baptiste Raynal

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