Mouvement

De la photo à la nano

Mona Tréguer-Delapierre

Enseignante-chercheuse à l’Institut de chimie et de la matière condensée de Bordeaux (ICMCB), Mona Tréguer-Delapierre y étudie de toutes petites particules qui révolutionnent déjà notre monde dans la plus grande des discrétions.
Mona Tréguer-Delapierre. Crédits : université de Bordeaux
Après une licence en chimie, Mona Tréguer-Delapierre entame son master en chimie physique sans vraiment savoir dans quelle direction avancer. La chimie ne peut aller sans sa deuxième passion, la photographie. Elle a toujours eu la volonté de combiner ses deux activités, sans lesquelles elle ne peut s’épanouir. Mais comment les unifier sur le plan professionnel ?

2 passions qui convergent

C’est lors de son stage de master que la révélation est apparue. Dans un laboratoire de chimie et de photographie à l’université d’Orsay (aujourd’hui Paris Saclay), l’équipe de recherche dans laquelle évoluait Mona cherchait à trouver des astuces pour améliorer la sensibilité des pellicules photographiques argentiques. Pour améliorer cette dernière, il fallait comprendre comment ce type de photographie fonctionnait et quelles étaient les propriétés de la matière à l’échelle nanométrique, c’est-à-dire comprendre les nouvelles propriétés de la matière quand elle est toute petite.

Elle effectue sa thèse dans ce même laboratoire par la suite, en collaboration avec une industrie photographique belge. Sa thèse a pour objectif de développer des approches pour améliorer la sensibilité des pellicules photographiques. Ce fut le début de sa carrière professionnelle dans ce domaine, en alliant ses deux passions de toujours.

Les nanoparticules sont une avancée majeure dans le domaine de la cancérologie.

L’avancée de la nanoscience

Mona Tréguer-Delapierre rejoint ensuite l’ICMCB, Unité Mixte de Recherche du CNRS, de l’université de Bordeaux et de Bordeaux INP. Aux débuts des travaux de l’ICMCB, les recherches autour des particules nanométriques se font rares. Aujourd’hui, Mona coordonne une équipe dans ce laboratoire travaillant sur celles-ci. Son objectif est d’inventer des recettes afin de fabriquer ces nanomatériaux, de contrôler leur taille, leur forme, puis de jouer avec pour exploiter leurs propriétés.

Elle coordonne et participe notamment au projet MELODIE (Émission magnétique de lumière grâce à des nanostructures diélectriques et plasmoniques) financé par l’Agence Nationale de la Recherche. La finalité de ce projet est de fabriquer des nano matériaux capables d’interagir uniquement avec la composante magnétique (force invisible) de la lumière.

Contrairement aux matériaux que nous trouvons dans la vie de tous les jours, ces nanomatériaux sont beaucoup plus petits, de l’ordre de 10 à 100 nanomètres, soit inférieurs à des bactéries et à des virus. Mona et son équipe respectent une méthodologie rigoureuse pour manipuler ces nanomatériaux. Un jour, un de leur collègue physicien « s’était amusé à fabriquer des nanoparticules d’argent, et il a vu des taches apparaître sur sa peau. Il a commencé à paniquer, mais c’était tout simplement une mauvaise manipulation liée à une formation d’une pellicule d’argent sur sa peau par la lumière, comme les pellicules photos. Il est possible de l’éliminer rapidement grâce à un réactif adéquat » raconta-t-elle en rigolant.

L’intérêt des nanomatériaux par rapport aux matériaux « classiques » réside dans leur changement de propriété. Mona cite avec fierté l’exemple de l’or qui peut devenir de couleur rose, bleue ou encore verte en modulant sa taille et sa forme à l’échelle nanométrique. Leurs couleurs vives en font des éléments optiques novateurs, par exemple pour créer des revêtements décoratifs, des enduits à effets spéciaux ou des bijoux. Mais les bijoutiers ne sont pas les seuls à profiter de ces petites merveilles. L’automobile ou encore la santé utilisent déjà ce type d’outils.

Des rencontres marquantes

Les collègues avec qui elle a travaillé pendant son stage de master lui ont permis de voir un champ disciplinaire où elle peut allier ses 2 passions, auquel elle n’avait jamais songé auparavant.
Crédits : Mona Tréguer-Delapierre

Faire bouger les choses en santé

Tuer les cellules cancéreuses, tel est un des rôles majeurs des nanomatériaux. Ceux-ci, en étant injectés dans le corps, viennent se coller aux cellules cancéreuses, permettant de mieux les identifier (même les plus petites), voire même de les tuer.  « Pour voir une cellule cancéreuse dans le corps, nous pouvons faire des IRM et d’autres techniques d’imagerie, mais quand les cellules cancéreuses sont minuscules, nous pouvons avoir du mal à les détecter avec les techniques usuelles » expliqua-t-elle de façon pédagogue.  Le fait de marquer les cellules cancéreuses avec les nanoparticules permet donc de détecter un cancer à un stade plus précoce qu’avec les techniques de reconnaissance actuelle et constitue donc une avancée majeure dans le domaine de la cancérologie. Même si certaines start-ups ont commencé à développer des traitements contre le cancer grâce à ces nanoparticules, leur mise en service prend du temps. Mona Tréguer-Delapierre attend avec impatience le moment où le public connaîtra enfin l’existence de ces prodigieuses particules qui font avancer la science.

Lucie Gibouleau

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