Pour prévoir l'avenir : il faut connaitre le passé
Thibaut Caley
Dans son bureau feutré, Thibaut Caley, paléoclimatologue au laboratoire EPOC* du CNRS, parle doucement, presque sur la pointe des mots. Réservé, précis, mais habité d’une passion ancienne, il consacre sa carrière à reconstituer les climats passés. Du Périgord aux moussons d’Asie, son parcours est marqué par une rencontre fondatrice et par un désir constant de comprendre la dynamique du cycle de l’eau.
Lire le climat d’hier pour comprendre celui de demain
Pour Thibaut Caley, la paléoclimatologie repose sur deux piliers : étudier la variabilité des climats passés et tester les modèles climatiques d’aujourd’hui pour prévoir les climats de demain. Carottes sédimentaires, microfossiles, signatures géochimiques… les archives du passé permettent de reconstruire la température, la salinité de l’eau ou encore la composition de l’atmosphère. Comprendre le climat passé, c’est affiner les projections du futur et rendre plus fiables les outils qui guident les politiques environnementales.
Trop faible, elle provoque des sécheresses meurtrières. Trop intense, elle entraîne des inondations dévastatrices
La mousson, métronome des basses latitudes
À la fin de ses études, Thibaut se spécialise dans l’étude de la mousson, ce renversement saisonnier des vents qui rythme la vie de la majorité des êtres humains. Celle-ci se déploie aux basses latitudes, « entre 30° Nord et 30° Sud », comme il le précise. Cette zone géographique comprend notamment l’arc du sous-continent indien (Inde, Bangladesh). La mousson apporte l’eau nécessaire aux cultures, mais peut aussi provoquer des catastrophes majeures. « Trop faible, elle provoque des sécheresses meurtrières. Trop intense, elle entraîne des inondations dévastatrices », dit-il d’un air grave. Suivre sa variabilité au fil des millénaires permet d’estimer son évolution en fonction du changement climatique. Une science essentielle, dont les implications touchent directement le quotidien des populations.
Bruno Malaizé, la rencontre décisive
Dans ce parcours, une figure revient comme un fil d’or, celle de Bruno Malaizé. Professeur à l’université de Bordeaux, spécialiste du climat du Quaternaire, l’ère géologique qui a vu l’apparition du genre humain (genre Homo), il joue un rôle fondateur dans la carrière de Thibaut. Lors de son premier cours, ce dernier découvre le domaine qui deviendra le sien : la paléoclimatologie. Plus tard directeur de thèse, Bruno Malaizé devient pour lui un véritable père scientifique, un guide bienveillant qui lui transmet la rigueur, la curiosité et cette manière d’interroger le passé pour éclairer l’avenir. Leur rencontre a façonné le chercheur autant que l’individu.
HYDRATE, évaluer la modélisation du cycle de l’eau
Démarré en 2021, le projet HYDRATE, porté par l’Agence nationale de la recherche (ANR), marque une étape importante dans la carrière du chercheur. Son matériel d’étude principal, les carottages sédimentaires réalisés dans l’océan Indien. Ces cylindres de sédiments prélevés au fond des océans constituent de véritables « piles de couches historiques », où chaque strate enregistre un fragment du climat passé. Grâce à ces données, il reconstitue l’évolution climatique dans toute la région.
La particularité du projet est de centrer ces reconstitutions sur l’évolution de la salinité de l’eau de l’océan. Mieux comprendre ce paramètre, c’est mieux appréhender la balance évaporation/ précipitation, mécanisme qui alimente les moussons. Les résultats, encore confidentiels, sont jugés très prometteurs, la contrainte sur l’évolution future des précipitations est plus précise, avec moins d’incertitudes. Un pas de plus vers une meilleure compréhension des mécanismes qui gouvernent les pluies et les vents.
Un nouveau défi, penser l’évolution humaine au regard des changements climatiques
Thibaut Caley prépare désormais un nouveau projet de cinq ans. Son objectif, explorer le lien entre l’évolution humaine et les changements climatiques et environnementaux passés, notamment en Afrique, berceau de l’humanité. Une recherche ambitieuse qui mêlera Préhistoire, climat et société. Quand on lui demande ce qu’on peut lui souhaiter pour la suite, Thibaut sourit : « De bons résultats », dit-il humblement. Espérons que ses travaux lui permettront de mieux comprendre les climats passés, afin d’anticiper plus justement notre avenir.
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*Environnements et paléoenvironnements océaniques et continentaux, sous la tutelle du CNRS et de l’université de Bordeaux, Bordeaux INP et l’Ecole Pratique des Hautes Etudes.
Willis Waweru
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